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Ulm-LSH / Jourdan-SHS
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Don Olivier Millet (1974 l) : une sélection de deux ouvrages précieux du XVIe siècle.
Le Livre du mois de la bibliothèque Ulm-LSH de mars-avril 2023 présente deux textes fondateurs dans l’histoire de la littérature française publiés au XVIe siècle. Donnés à la bibliothèque par Olivier Millet (1974 l), ils ont été pour partie restaurés en 2022 grâce à la Fondation de l’ENS.
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Nicole Gilles (142.?-1503)
Les treselegantes et copieuses annalles des trespreux/ tresnobles/ treschrestiens et excellens moderateurs des belliqueuses Gaulles. Depuis la triste desolation de la tresinclyte & fameuse cite de Troye/ jusques au regne du tresvertueux roy Francois a present regnant : compilees par feu treseloquent et noble hystoriographe en son vivant indiciaire et secretaire du Roy/ contrerolleur de son tresor/ maistre Nicole Gilles/ jusques au temps de tresprudent & victorieux roy Loys. XI. Et depuis additionnees selon les modernes hystoriens jusques en lan. M.D.xxxii. Nouvellement veues & corrigees oultre les precedentes impressions.
[Paris : Nicolas Couteau pour Jean Longis et Gilles de Gourmont, 1533]. -
Les treselegantes et copieuses annalles des trespreux/ tresnobles/ treschrestiens et excellens moderateurs des belliqueuses Gaulles, de Nicole Gilles, sont l'histoire de France la plus répandue au cours du premier XVIe siècle français. Une sorte de Malet/Isaac de la Renaissance française !
L’auteur, Nicole Gilles (né dans les années 1420 ?) fut notaire du roi, puis contrôleur du trésor. Il appartient à la noblesse de robe alors en formation, il est proche des gens de finances et, par sa femme, des milieux du commerce. Il fit une mission en Italie (Florence) pour Louis XI, quelques missions en province, mais sinon il ne quitta guère Paris. Administrateur de la chancellerie royale et homme de plume, qui devint très vraisemblablement également un des secrétaires du roi, il avait le goût des livres. Sa bibliothèque compte, en 1499, 64 manuscrits et imprimés, et il continua de l’enrichir jusqu’à sa mort en 1503. Il acheta aussi des livres pour le roi. Rien d’étonnant donc que cet intérêt pour la res literaria l’ait conduit, sous Charles VIII, dont il avait la faveur, à se faire auteur : « pour éviter oisiveté », dit-il dans la préface de son ouvrage : il ne s’agit donc pas d’une commande royale. C’est ainsi qu’il compila et composa ces Annalles. Elles furent imprimées peut-être dès 1492 (puis 1498), et connurent huit éditions et continuations entre 1510 et 1621. L’auteur en fournit la matière à Antoine Vérard, l’un des premiers imprimeurs-libraires établis à Paris (dès le milieu des années 1480 en ce qui le concerne) ; il était en relation d’affaire comme investisseur auprès de ce que nous appellerions aujourd’hui cet éditeur.
Remaniement des anciennes Chroniques de France et de leurs continuations, ces Annalles vont des origines de l’humanité au temps présent de manière à exalter la monarchie française (leur principal sujet) et la nation. Les rééditions ultérieures poursuivent la chronologie jusqu’au temps présent (par exemple celle de 1553, ou encore, la dernière, celle de 1621). Très répandu à l’époque, cet ouvrage est actuellement peu connu faute d'étude à son sujet en dehors d’une thèse de l’École des chartes de 1930, qui fournit des données biographiques et en étudie un manuscrit de travail au moins partiellement autographe.
Leur intérêt ne réside pas dans leur originalité ou leur valeur historique (Gilles se contente de reproduire ou d’utiliser des sources écrites disponibles), mais dans le fait qu’elles ont été très répandues (parallèlement, dans un premier temps, à l’œuvre de Robert Gaguin), et qu’elles offrent une bonne idée de ce que les lecteurs d’alors (surtout ceux du premier XVIe siècle français) connaissaient ordinairement de l’histoire du royaume, et une image de ce que les Français se faisaient de celui-ci. Montaigne, par exemple, en possédait un exemplaire dans l’édition de 1562 (Paris, Guillaume Le Noir), qu’il a annoté en s’intéressant notamment aux généalogies et aux institutions, tout en critiquant le texte qu’il lit, sur la foi d’autres sources (un fac-similé de cet exemplaire annoté est disponible en ligne sur le site Gallica de la BnF).
Nicole Gilles a un vif sentiment du rôle de l’histoire dans la destinée politique du pays, sans devenir le représentant de la nouvelle historiographie humaniste. Il écrit dans un moyen français standard, ce qui n’est pas étonnant étant donné ses fonctions et sa culture lettrée.
L’édition de notre bibliothèque, celle de 1533, comporte des gravures sur bois initiales pleine page qui illustrent de manière convenue le thème des origines de l’humanité, puis de la monarchie française. Une édition de 1553 (Paris, Vincent Sertenas), en ligne sur le site Gallica, fait état de corrections apportées au texte de Gilles d’après une édition plus ancienne (la nôtre ?). Elle insiste aussi sur la qualité de l’ouvrage, qui fournit « les vives images » des anciens rois sous la plume d’un « vrai peintre françois ». -
Particularités d'exemplaire :
Reliure 16e s., veau brun, dos à quatre nerfs partiellement manquant, décor en encadrement estampé à froid sur les plats, contreplats en parchemin de remploi (caractères à l'encre noire et rouge). L'exemplaire porte de très anciennes notes ms., dont certaines avec la date « 1554 ». L'exemplaire est incomplet : les deux premiers feuillets du cahier « fleur de lys » (dont la page de titre) ainsi que les trois derniers feuillets du cahier « && » manquent.
Origine de l’exemplaire : après des possesseurs anciens, il était passé dans la famille du donateur.
Marques de provenance : ex-libris armorié (17e ou 18e s. ?) aux armes de « M. de la vernette », gravé par Jean-Baptiste Scotin (1671-1716) : de gueules à la bande d'or, chargée de trois étoiles d'azur, accompagnée en chef d'un cor de chasse du second, enguiché et virolé du troisième (l'embouchure du cor est à senestre), le tout surmonté d'une couronne de comte. La famille Bernard de la Vernette est originaire de Mâcon.
Plusieurs ex-libris manuscrits très anciens non identifiés, dont « Lanier François à Varenne » et « Lanier Henri ».
Restauration 2022 Atelier Claude Benoist.
Interventions réalisées : dissociation de l'ancienne apprêture et démontage des premiers et derniers cahiers ; collationnement, dépoussiérage, réparations des déchirures et comblage des lacunes ; confection de nouveaux cahiers de garde ; restauration des coutures et des liens ; confection de nouvelles tranchefiles à l'identique ; restauration et consolidation des plats ; collage d'une nouvelle apprêture ; confection d'un nouveau dos, nettoyage et assouplissement de la couvrure ancienne, restauration des mors, coiffes, coins et chants, mise en teinte et nourrissage du cuir.
Bibliothèque Ulm-LSH, H F gé 3 B F° -
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Robert Estienne (1503?-1559)
Dictionarium latinogallicum, thesauro nostro ita ex adverso respondens, ut extra pauca quædam aut obsoleta, aut minus in usu necessaria vocabula & quas consultò prætermisimus, authorum appellationes, in hoc eadem sint omnia, eodem ordine, sermone patrio explicata.
[Paris : Robert Estienne, 1538]. -
Robert Estienne (1503-1559) appartient à une famille d’imprimeurs et de savants dont l’activité s’étend sur sept générations (1502-1664). Robert I, notre auteur, eut pour fils Henri (surnommé Henri II), autre grand savant de cette époque. Robert était un typographe réputé et un philologue de premier plan. À sa demande et sous sa direction furent gravés par Claude Garamont les caractères grecs dit royaux. Sa maison parisienne devint un centre de rencontres culturelles significatif de l’humanisme érasmien de l’époque, et il était bien vu du roi François Ier et de sa sœur Marguerite de Navarre. Il a établi et publié le texte de nombreuses bibles, en hébreu, en grec (Nouveau testament) et en latin. En butte aux attaques de la Sorbonne, il dut quitter la France pour Genève et se fit protestant (1550). Il fut l’auteur de la deuxième grammaire rédigée en français de la langue française (1557) après celle de Louis Meigret (1550).
C’est dans le cadre de ce mouvement de codification de notre langue qu’on peut apprécier son Dictionarium latinogallicum de 1538. Robert Estienne est le fondateur de la lexicographie française ; or son œuvre dans ce domaine résulte de ces travaux et publications sur la langue latine. En 1538, dans cet ouvrage, Estienne recycle en effet des éléments qu’il avait rassemblés et publiés en latin pour son Thesaurus linguae latinae de 1531, puis 1536 (ce Trésor sera réédité jusqu’au XVIIIe siècle). Il y avait constitué un dictionnaire bien ordonné du latin classique (mots et séquences phraséologiques) en s’appuyant sur les meilleurs représentants de celui-ci, notamment Cicéron (mais sur d’autres auteurs également, notamment Plaute et Térence). Les mots y étaient classés de manière alphabétique avec des regroupements dérivationnels. Estienne y distinguait les différentes acceptions d’un terme. Les citations des auteurs classiques et le recours aux commentaires sûrs en font un instrument caractéristique de la Renaissance humaniste : les éléments non-classiques (médiévaux ou scolastiques) sont éliminés. Dans la première édition, celle de 1531, lorsqu’une explication du sens accréditée faisait défaut, Estienne l’indiquait au moyen d’une interprétation française, mais ces traductions se multipliaient, même là où l’on pourrait s’en passer. C’était donc un ouvrage ambivalent (déjà en partie bilingue). Dans la deuxième édition du Thesaurus (1536), la part du français est réduite, en vue du présent Dictionarium latinogallicum, consacré, lui, à l’interprétation française des mots et expressions latins. C’est un abrégé du Thesaurus ; les mots latins rares y sont omis. On y trouve, pour 1843 mots latins, 1423 mots français, et beaucoup plus d’interprétations françaises que dans le Thesaurus de 1536 ; mais il y a des lacunes. Pour produire cette francisation du vocabulaire latin classique, l’auteur a eu recours aux compétences de philosophes, juristes, médecins, philosophes, grammairiens et poètes. Un an plus tard, en 1539, Estienne inversa ce dictionnaire en en produisant un qui va du français vers le latin (Dictionaire Françoislatin contenant les motz et manieres de parler François tournez en latin). L’objectif est d’aider ceux quoi sont sur « le commencement et bachelage de litérature [ = de la maîtrise de la langue] ».
En 1546, le Dictionarium est réédité nettement augmenté en suivant la troisième édition, augmentée, du Thesaurus, avec un accent mis sur les richesses du français. Il sera transformé en dictionnaire des langues anglaise (1552, Londres), allemande (1568, Zurich) et flamande (1573, Anvers).Ce Dictionarium a contribué de manière décisive à codifier la langue française sur le plan lexicologique, en l'instaurant comme nouvelle langue « classique » notamment sur un modèle cicéronien non exclusif d’autres auteurs classiques. Il s’agit d’adapter les richesses du latin aux besoins vernaculaires modernes, et simultanément de montrer les ressources du français. Le Thresor de la langue françoyse de Jean Nicot, paru en 1606, reprendra souvent les rubriques de Robert Estienne, en les enrichissant d’observations linguistiques et encyclopédiques.
On peut utiliser cet instrument de travail pour observer, entre autres, comment un terme ou une expression latine étaient alors rendus en français, qu’il s’agisse d’histoire de la langue ou des idées. -
Particularités d'exemplaire :
Reliure 1?e s., peau retournée (avec probablement une restauration ancienne avec du veau fauve), dos à cinq nerfs.
L'exemplaire comporte des notes et un dessin manuscrits ainsi que des feuillets volants annotés (recherches biographiques sur Robert Estienne).
Origine de l’exemplaire : acheté par le donateur sur le marché aux puces d’Aix-en-Provence dans les années 1980.
Marques de provenance : deux ex-libris manuscrits non identifiés « Combes » (sur le contreplat supérieur), « I. E. Thomas Lavronede » (sur la page de titre) et un troisième sur la tranche de queue.
Bibliothèque Ulm-LSH, L P l 8 B F° -
Textes d'Olivier Millet, archicube (1974 l), notices bibliographiques par Ariane Oriol