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Joseph-Daniel Guigniaut et les siens
En 2019, la bibliothèque Ulm-Lettres et Sciences humaines a acquis un portrait et un ensemble de correspondance familiale de Joseph-Daniel Guigniaut (1811 l), directeur de l’École de 1830 à 1835. Enrichissant les collections relatives à l’histoire de l’École normale, ces achats ont été financés par la générosité des donateurs de la bibliothèque.
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Joseph-Daniel Guigniaut : éléments de biographie
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Joseph-Daniel Guigniaut est né à Paray-le-Monial le 29 floréal an II (15 mai 1794). Fils d’un sellier, il est envoyé à Paris pour ses études et entre à l’École normale en 1811, à l’âge de 17 ans. Il y noue des liens durables avec Victor Cousin, Henri Patin, Gabriel Dutrey, Eugène Géruzez...
D’abord professeur au lycée Charlemagne (1813-1817), il revient dès 1818 à l’École en tant que maître de conférences d’histoire. Mis en disponibilité lors de la suppression de l’École en 1822, il participe en 1824 avec d’autres normaliens à la fondation du Globe, journal aux opinions libérales. Surtout, il commence alors sa traduction de l’allemand de la Symbolik de Georg Friedrich Creuzer, monumental travail d’érudition qu’il qualifie de « consolation de jours assez mauvais ». -
Dès 1826, il retrouve l’École lors de sa re-création pour y enseigner la littérature grecque. Deux ans plus tard, il y devient en sus directeur des études, puis directeur à partir de 1830, sous la tutelle de Victor Cousin, poussé par le contexte favorable de la monarchie de Juillet. En 1835, il quitte l’École pour la chaire de géographie de la Faculté des lettres ; il enseigne aussi au Collège de France à partir de 1854. Une grande part de son activité s’exerce alors à l’Institut : élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1837, il en devient le secrétaire perpétuel en 1860. Il continue d’exercer son influence sur l’administration de l’enseignement supérieur français : ainsi, en 1850, il est l’auteur d’un rapport sur les bases duquel est réorganisée l’École française d’Athènes, dans un sens plus scientifique et archéologique. Il démissionne de ses charges en 1873 et meurt le 12 mars 1876.
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Guigniaut est l’un des premiers diffuseurs en France de la recherche érudite allemande du XIXe siècle, comme le soulignera son élève Ernest Havet : « Étant à la fois le disciple de Boissonade et de la critique allemande, encore si peu répandue en France, il ouvrait à ses élèves des horizons très-nouveaux et très-vastes ». Son édition de Creuzer, en 10 volumes parus de 1825 à 1851 sous le titre de Religions de l'antiquité considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques est bien davantage qu’une simple traduction : considérablement mise à jour et augmentée de nombreuses annotations, elle modifie même l’ordre de l’ouvrage initial. À la suite de Creuzer, Guigniaut propose dans ce livre une interprétation historique de la mythologie, de l’Inde à la Grèce en passant par l’Égypte, tout en explicitant ses aspects symboliques.
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Nouvelles acquisitions de la bibliothèque : portrait et correspondance familiale
En 2019, la bibliothèque Ulm-LSH a fait l’acquisition en ventes publiques d’un portrait aquarellé de Guigniaut par Herminie Mutel (1807-1881), ainsi que d’un ensemble de documents provenant de ses descendants – correspondances familiales et quelques pièces imprimées. Ces dernières concernent les travaux de Guigniaut et de son gendre, Jules Girard, à l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
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La correspondance, quant à elle, si elle ne relève pas directement des activités scientifiques du savant, fournit des renseignements sur sa famille, sa vie privée et son cercle de relations amicales. Joseph-Daniel Guigniaut avait épousé à Paris le 28 septembre 1829 Esther Marguerite, dite Estelle, Cuny Riboutté, fille naturelle de Jeanne Cuny, adoptée en 1828 par le financier et auteur dramatique François Louis Riboutté (1770-1834). Deux filles sont issues de cette union : Mélanie (1831-1856) et Laure (1833-1883). Mélanie épouse le 12 avril 1855 Amédée Aloncle (1824-1876), architecte, dont une fille, Henriette. Laure épouse quant à elle le 9 août 1855 Jules Girard (1825-1902), normalien et helléniste.
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Les lettres acquises par l’ENS en 2019 forment deux sous-ensembles : d’une part, les lettres reçues par Estelle Guigniaut, d’autre part celles reçues par sa petite-fille Henriette Aloncle, ces dernières concernant moins directement Joseph-Daniel Guigniaut.
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Les correspondants d’Estelle Guigniaut sont ses parents adoptifs, les Riboutté, et son époux. Les lettres de François Louis Riboutté fournissent de nombreux détails sur les voyages de ce personnage assez original : spéculateur sous le Directoire, il se tourne vers le théâtre dans les années 1800, époque à laquelle il épouse Louise Angélique Hélène Simon, ancienne actrice du Français, dite « Mademoiselle Simon ». Ses lettres informent sur la vie d’un touriste français en Allemagne ou à Bruxelles dans les années 1829-1833. Elles mêlent appréciations d’ordre esthétique – Riboutté évoque les spectacles qu’il va voir – et considérations financières. Les lettres de Madame Riboutté quant à elles détaillent les activités d’une Parisienne cultivée dans les années 1830-1840. Parmi ses relations figurent notamment Herminie Mutel, artiste miniaturiste, auteur du portrait aquarellé de Guigniaut également acquis par la bibliothèque en 2019.
Enfin, la correspondance de Joseph-Daniel Guigniaut à sa femme illustre le mode de vie d’un érudit attaché à sa famille et à ses racines bourguignonnes. Elles donnent à voir ses relations : ainsi, parmi les proches du couple Guigniaut sont cités Louis et Jules Quicherat, Abel François Villemain, Eugène Géruzez, Louis Jacques Thénard, François Julien Oudot, Louis Hachette, qui forment un vaste réseau amical et savant tissé du lycée Charlemagne à l’Académie en passant par l’École normale.
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Liste des documents présentés
- Georg Friedrich Creuzer et Joseph-Daniel Guigniaut, Religions de l'antiquité, considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques…, t. I, Paris, Treuttel et Würtz, 1825. Bibliothèque Ulm-LSH, H AR m 17 (1/1) 8°
Exemplaire portant un envoi manuscrit de Guigniaut aux élèves de l’École normale - Jules Michelet, Lettre à Joseph-Daniel Guigniaut, Heidelberg, 29 août 1828. Bibliothèque Ulm-LSH, Ms 205
Lettre acquise en 2000 grâce à un don de la Fondation de l’ENS - Joseph-Daniel Guigniaut, Notes de cours donnés comme maître de conférences à l'École normale supérieure, 1826-1835. Bibliothèque Ulm-LSH, Ms 15/2
Papiers donnés en 1902 à la bibliothèque par Pierre Dareste, gendre de Jules Girard, lui-même gendre de Guigniaut - Herminie Mutel, Portrait de Joseph-Daniel Guigniaut, aquarelle, 1834. Bibliothèque Ulm-LSH
Ce portrait aquarellé de Guigniaut, alors directeur de l'École normale, chevalier de la Légion d'honneur depuis 1831, est l’œuvre d'Herminie Mutel. Cette peintre miniaturiste qui exposa à plusieurs reprises au Salon était une proche de la famille Guigniaut ; Madame Riboutté la cite à de nombreuses reprises dans sa correspondance. On sait aussi qu'elle était une amie d'enfance de l'historien Ferdinand Denis, autre relation des Guigniaut. - François Louis Riboutté, Lettres à Estelle Guigniaut, 1829-1834. Bibliothèque Ulm-LSH, Fonds Guigniaut, GUI/1/1/1
Les lettres adressées à Estelle Guigniaut après son mariage portent l’adresse du couple Guigniaut à l’École normale, alors logée au collège du Plessis, à l’emplacement de l’actuel lycée Louis-le-Grand. - Joseph-Daniel Guigniaut, Lettres à Estelle Guigniaut, 1839. Bibliothèque Ulm-LSH, Fonds Guigniaut, GUI/1/1/3
- Joseph-Daniel et Estelle Guigniaut, Lettres à Henriette Aloncle, 1870-1871. Bibliothèque Ulm-LSH, Fonds Guigniaut, GUI/1/2
- Georg Friedrich Creuzer et Joseph-Daniel Guigniaut, Religions de l'antiquité, considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques…, t. I, Paris, Treuttel et Würtz, 1825. Bibliothèque Ulm-LSH, H AR m 17 (1/1) 8°