Ulm-LSH / Jourdan-SHS

Troisième d’une fratrie de cinq enfants, Edmond Goblot vient au monde à Mamers (Sarthe) durant l’automne 1858. Son père, Arsène Goblot, est alors agent départemental en charge des voies vicinales. Sa mère, Augustine Dubois, occupe des fonctions d’enseignement privé avant de se consacrer entièrement aux tâches domestiques et à l’éducation de ses enfants. A la différence de son époux, Augustine vient du monde de la bourgeoisie des « capacités », ces professionnels du savoir, des arts et des métiers qui ne cherchent pas l’enrichissement à tout prix mais qui sacralisent en revanche la réussite scolaire. 

La trajectoire d’E. Goblot entre en résonnance parfaite avec un tel modèle. Élève brillant, E. Goblot intègre, lors de sa troisième tentative, la section lettres de l’École normale supérieure en 1879. Le nombre des philosophes admis cette année-là se compte sur les doigts d’une seule main. Ils sont quatre : Émile Durkheim, Edmond Goblot, Victor Hommay et Pierre Janet. L’année précédente, Henri Bergson avait été recruté, avec Jean Jaurès et Gustave Belot. Rue d’Ulm, E. Goblot poursuit ses études de philosophie et prépare l’agrégation.

En 1882, il est nommé professeur au lycée de Bastia. Il occupe ensuite des postes similaires dans différentes villes de provinces (Valencienne, Pau, Angers, Toulouse). Après avoir soutenu ses deux thèses en 1898, la majeure en français (sur la classification des sciences) et la mineure en latin (sur la musique chez les philosophes grecs), E. Goblot devient professeur d’université. Il enseigne d’abord à Caen, puis à partir de 1906 et jusqu’à la fin de sa carrière, à l’université de Lyon où il est titulaire de la chaire d’Histoire et de philosophie des sciences. 

E. Goblot ne se contente jamais, surtout à partir du moment où il gagne l’université, de son rôle de professeur. Musicien, dreyfusard, militant de la cause laïque, fervent soutient du mouvement scout…, E. Goblot multiplie les activités extra-professionnelles. C’est bien néanmoins son statut de professeur qui, tout au long de sa carrière, lui permet d’être aux avant-postes pour observer de près les mœurs et les manières de la bourgeoisie de province, dont il est lui-même membre mais avec laquelle il entretient toujours une certaine distance. 

Si l’on exclut les nombreux écrits politiques et pédagogiques destinés à un large public, les livres et articles savants d’E. Goblot traitent pour l’essentiel d’histoire et de philosophie des sciences, de morale et, surtout, de logique. Le gros Traité de logique qu’il fait paraître en 1918 a longtemps servi de référence aux étudiants de philosophie français. Un seul ouvrage a réussi néanmoins à résister à l’usure du temps. Il s’agit de La Barrière et le Niveau, rédigé en 1912-1913 et publié en 1925 chez Alcan. Étude de sociologie et de logique appliquée, l’ouvrage montre que, à défaut de posséder des titres et un prestige qui, comme dans le cas des nobles, puissent les séparer du commun, les bourgeois doivent fabriquer de toutes pièces leur classe d’appartenance.