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Les archives du philosophe Kostas Axelos à l'École normale supérieure
Le 12 novembre 2012, la bibliothèque des lettres et sciences humaines et sociales de l’École recevait les archives du philosophe grec Kostas Axelos grâce à un don de sa légataire universelle. Ce fonds est désormais intégralement classé, inventorié sur le Catalogue en ligne des archives et manuscrits de l'enseignement supérieur (Calames) et à la disposition des chercheurs. Illustrées par les exemples présentés, ces archives donnent à voir la partie immergée de la pensée du philosophe, dans toute sa profondeur et sa densité. Structurée autour des concepts majeurs du temps, du monde et du jeu, elle s'élabore en effet au fil de ses rencontres, cours, conférences, articles, recherches personnelles, échanges.
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Jeunesse et formation
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Kostas Axelos (Athènes, 1924 - Paris, 2010) est le fils aîné d'une famille bourgeoise. Il reçoit une éducation rigoureuse et privilégiée : il fréquente les cours de l’école allemande et de l’Institut français d’Athènes, maîtrisant ainsi le français, l'allemand mais aussi le latin et le grec ancien. En 1941, il obtient son baccalauréat. Famine, guerre civile et résistance sont le quotidien de l’adolescent qui s'engage politiquement : après la capitulation de la Grèce en avril face à l’Allemagne et le début de l’occupation allemande, italienne et bulgare, il entre aux Jeunesses communistes grecques (EPON) dont il devient responsable à l’université d’Athènes, où il suit un cursus en droit et entre dans la résistance contre l'occupant.
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En 1944, la guerre civile éclate à Athènes et Kostas Axelos y prend part activement, ce qui lui vaut d'être incarcéré. En 1945, il quitte Athènes pour la France, ayant pu bénéficier d'une bourse du gouvernement français destinée à de jeunes intellectuels militants grecs comme Cornélius Castoriadis ou Kostas Papaïoannou. À son départ, Axelos est exclu du Parti communiste grec. Décembre 1945 marque un tournant dans son positionnement politique : il prend ses distances avec le parti communiste et se détourne du militantisme. Son arrivée à Paris coïncide ainsi avec une implication plus marquée dans sa formation et son projet philosophiques. Il entreprend des études de philosophie à la Sorbonne, où il suit les cours de Gaston Bachelard, de Maurice de Gandillac et de Jean Wahl.
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Un « passeur » de la production intellectuelle allemande
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Commençant à lire Rilke, Hölderlin, Marx et Nietzsche dans ses années d'adolescence, il suit le séminaire de Karl Jaspers à Bâle en 1949 et il étudie les pré-socratiques avec von der Mühll. Mais frappé par un mandat d'extradition, il doit repartir à Paris. Il développe les grands axes de sa pensée en approfondissant Héraclite et Marx. Si ses premières années parisiennes sont marquées par ses rencontres avec le milieu surréaliste, en particulier avec André Breton en 1947, puis avec Pablo Picasso, celle qui influence le plus son existence est celle de Martin Heidegger en 1950, dont il suit les leçons ainsi que celles d’Eugen Fink, son élève.
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Son rôle de « passeur » se confirme au cours de l'été 1955, lorsque Kostas Axelos se rend au colloque de Cerisy consacré au philosophe allemand et est l’interprète de la conférence d’Heidegger « Qu'est ce que la philosophie ? ». Son contexte de travail lui permet de travailler à la création d'une synthèse entre le marxisme et l’œuvre heideggérienne. De 1950 à 1957, Kostas Axelos est chercheur au CNRS, puis il rejoint l’EPHE jusqu’en 1959 et enseigne à la Sorbonne en 1958 où il dispense un cours sur « Marx, idéologie de la pensée allemande ». Cette même année, il soutient deux thèses de doctorat ès philosophie : la principale sur Marx penseur de la technique et la seconde sur Héraclite et la philosophie sous la direction de Maurice de Gandillac.
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Arguments
Toutefois, sa pensée ne trouve pas d'épanouissement dans le milieu universitaire, mais dans les milieux intellectuels anticonformistes. À partir de 1958, il est le rédacteur en chef de la revue Arguments, créée en 1956 par Edgard Morin, Jean Duvignaud, Colette Audry et Roland Barthes et publiée aux Éditions de Minuit. La revue de philosophie politique, qui s’éteindra en 1962, se veut inspirée par le marxisme mais est « révisionniste » et rassemble les réflexions de Georg Lukács, Herbert Marcuse, Karl Korsch. La collection « Arguments », dirigée par Axelos, lui succède, toujours aux Éditions de Minuit, de 1960 à 2005. Les objectifs de la collection sont les suivants : « contribuer à la recherche fondamentale, abordant les problèmes cruciaux de la pensée philosophique, de l'histoire, de l'économie, de la politique, de la psychologie et de la psychiatrie, des lettres et des arts, pour en dégager les structures et les significations, voire le non-sens, les orientations et les jeux nouveaux ».
116 volumes paraissent dans cette collection, et notamment la quasi-totalité des œuvres de Kostas Axelos publiées en France durant cette période. Le philosophe inaugure la collection par sa traduction d’Histoire et conscience de classe de Lukács. Après le premier volume, les traductions d'autres œuvres suivent : L'Homme unidimensionnel (H. Marcuse, 1968), La philosophie de Nietzsche et De la phénoménologie (E. Fink, 1965 et 1975). On y publie également des textes français de référence tels que L'érotisme (G. Bataille, 1965) ou Présentation de Sacher-Masoch : le froid et le cruel (G. Deleuze, 1967).
Entre 1961 et 1979, l’œuvre de Kostas Axelos est publié aux Éditions de Minuit : neuf ouvrages sont organisés autour de trois trilogies.
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Une première trilogie intitulée « Le déploiement de l'errance » regroupe ses trois premiers ouvrages dont ses deux thèses : Marx penseur de la technique (1961), Héraclite et la philosophie (1962) et Vers une pensée planétaire (1964). Elle précède les deux autres trilogies qu'il élaborera au fil de ses rencontres, ses cours, ses conférences, ses articles, ses recherches personnelles, ses échanges, en développant et reprenant les concepts qui organisent sa pensée : le temps, le monde, le jeu. « Le déploiement du jeu » est la deuxième trilogie qui regroupe les œuvres Le jeu du monde (1969), Pour une éthique problématique (1972) et Contribution à la Logique (1977). Enfin, « Le déploiement d'une enquête » regroupe Arguments d'une recherche (1969), Horizon du monde (1974), Problème de l'enjeu (1979).
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Liste des documents présentés
- Attestation dactylographiée de Karl Jaspers, témoignant de la présence de K. Axelos à son séminaire, à Bâle, en 1949. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 2/2/1
- Lettre manuscrite de Martin Heidegger à Kostas Axelos, 9 octobre 1955, 1 f. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 2/2/1/6/1
- Transcription dactylographiée par K. Axelos d'une lettre manuscrite de Martin Heidegger, datée du 9 octobre 1955, 1 f. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 2/2/1/6/1
- Lettre manuscrite de Martin Heidegger à Kostas Axelos, datée du 5 janvier 1958, 1 f. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 2/2/1/6/2
- Transcription dactylographiée par K. Axelos d'une lettre manuscrite de Georges Bataille, datée du 11 novembre 1956, 6 f. Sur les événements de Hongrie de 1956. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 2/2/1/1.
- « Marx : idéologie allemande ». Cours donné par K. Axelos à la Sorbonne et à Censier, en mars 1958. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 6/1/7/2
- Transcription dactylographiée par K. Axelos d'une lettre manuscrite reçue de Gilles Deleuze, datée de 1962 et signée « Gilles ». Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 2/1/9/2
- « Initiation à la pensée philosophique, apprendre à penser. » : leçons de propédeutique à la Sorbonne et à Censier, en 1962-1963. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 4/4/2
- Transcription dactylographiée par Kostas Axelos d'une lettre manuscrite reçue de Jacques Derrida, datée du 28 décembre 1966. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 2/1/10
- Tsarouchis, Portrait de Kostas Axelos, 1979. Reproduction photographique. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 7/1/3
Manuscrits :
- Thèse de K. Axelos, Héraclite et la philosophie, 1958. Manuscrit, 340 f. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 3/1
- Einfürhung in ein künftiges Denken : Über Marx und Heidegger, 1966. Manuscrit, 103 f. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 3/2
- Lettres à un jeune penseur, 1996. Manuscrit, 126 f. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 3/9
- Notices autobiographiques, 1999. Manuscrit, 135 f. Bibliothèque Ulm-LSH, fonds K. Axelos, AXE 3/10
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Publications de Kostas Axelos
- Kostas Axelos, Marx, penseur de la technique, Paris, UGE/Les Éditions de Minuit, 1961 (réédition Encre Marine, 2015)
- Kostas Axelos, Héraclite et la philosophie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1962.
- Kostas Axelos, Vers la pensée planétaire, Paris, Les Éditions de Minuit, 1964.
- Kostas Axelos, Le Jeu du monde, Paris, Les Éditions de Minuit, 1969.
- Kostas Axelos, Arguments d'une recherche, Paris, Les Éditions de Minuit, 1969.
- Kostas Axelos, Pour une éthique problématique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1972.
- Kostas Axelos, Entretiens, Paris, Scholies/Fata Morgana, 1973.
- Kostas Axelos, Horizons du monde, Paris, Les Éditions de Minuit, 1974.
- Kostas Axelos, Contribution à la logique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1977.
- Kostas Axelos, Problèmes de l'enjeu, Paris, Les Éditions de Minuit, 1979.
- Kostas Axelos, Systématique ouverte, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984.
- Kostas Axelos, Métamorphoses, Paris, Les Éditions de Minuit, 1991.
- Kostas Axelos, L'Errance érotique, postface de Jacques Sojcher, Éditions La Lettre volée, 1992.
- Kostas Axelos, Lettres à un jeune penseur, Paris, Les Éditions de Minuit, 1996.
- Kostas Axelos, Notices autobiographiques, Paris, Les Éditions de Minuit, 1997.
- Kostas Axelos, Ce questionnement, Paris, Les Éditions de Minuit, 2001.
- Kostas Axelos, Réponses énigmatiques, Paris, Les Éditions de Minuit, 2005..
- Kostas Axelos, Ce qui advient. Fragments d'une approche, Paris, Les Belles-Lettres, coll. "Encre marine", 2009
- Kostas Axelos, En quête de l'impensé, Paris, Les Belles-Lettres, coll. "Encre marine", 2012 .(Ouvrage posthume, publié à partir d'un manuscrit dont la rédaction a été interrompue par la maladie, puis la mort du philosophe en 2010).
- Kostas Axelos, Le Destin de la Grèce moderne, Paris, Les Belles-Lettres, coll. "Encre marine", 2013. (Réédition en volume d'un texte paru pour la première fois dans la revue Esprit en 1954).
Traductions
- Martin Heidegger, Qu’est-ce que la philosophie ?, traduit de l’allemand par Kostas Axelos et Jean Beaufret, Paris, Gallimard, 1957.
- Georg Lukács, Histoire et conscience de classe, traduit de l’allemand par Kostas Axelos et Jacqueline Bois (Préfacier : Kostas Axelos), Paris, Les Éditions de Minuit, 1960.
- Martin Heidegger, Questions, traduit de l’allemand par Kostas Axelos, Jean Beaufret, François Fédier, et al., Paris, Gallimard, 4 vol., 1968-1976, repris dans la coll. « TEL », n° 156 et n° 172, 1990.
Présentation réalisée par Sandrine Iraci, avril 2021