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René Char. Commune présence.
Tu es pressé d'écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
[…]René Char, Moulin premier, 1936
(Commune présence, 1964). -
René Char (1907 – 1988) ouvrait sa porte avec largesse : aussi bien aux personnalités reconnues qu’aux étudiants et aux jeunes chercheurs qui s’intéressaient à son œuvre, ou aux futurs écrivains. Certains d’entre eux ont noué un dialogue avec le poète, d’autres ont préféré se tenir à distance de cet homme exceptionnel, à la personnalité complexe, au caractère aussi sensible qu’impérieux. Nous présentons une sélection d’ouvrages, dédicacés pour certains par René Char, et récoltés en grande partie grâce à l’initiative de Paul Veyne (1951 l) – Lettera amorosa et En trente-trois morceaux exceptés : soit qu’il les ait acquis pour les offrir à la Bibliothèque, soit qu’il les ait reçus de Char et donnés plus tard à la Bibliothèque.
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Sont exposés également des documents issus de collections privées que nous ont généreusement prêtés Bertrand Badiou (pour Éric Celan, fils de Paul Celan), Marie-Claude Char, Florence Delay, Dominique Fourcade, Danièle Leclair, Bertrand Marchal, Jean-Claude Mathieu (1956 l), Bernard et Corinne Simon.
Car les correspondances ne sont pas les seuls témoignages de la sociabilité littéraire : elles sont prolongées par des envois d’ouvrages à ses interlocuteurs, qu’ils s’appellent Francis Ponge, Paul Celan ou Roland Barthes, et elles alternent avec les visites et les conversations dont les billets et les lettres, les agendas parfois, ainsi que les photographies, donnent une indication. En plus de son dialogue avec de jeunes poètes qui l’aimaient et l’admiraient, comme, par exemple, Jacques Dupin, André du Bouchet, puis Dominique Fourcade, Char lui-même a pu envoyer ou donner ses ouvrages aux étudiants et aux chercheurs qui le sollicitaient. Une fois le contact noué, il savait se montrer attentif aux personnes en qui il plaçait sa confiance, jusqu’à suivre les événements privés de la vie des uns et des autres. Cependant, cette proximité qui a favorisé les collaborations artistiques ou les travaux scientifiques a pu donner lieu à des prises de distance soudaines, voire à des ruptures. Quelles qu’ont pu être les différentes issues de ces relations, reste que la rencontre avec René Char a été décisive et féconde pour chacune des personnes qui l’ont côtoyé. -
Présentation des ouvrages
Diverses périodes de l’œuvre sont représentées à travers les éditions originales : la voie nouvelle qu’ouvre le texte décisif du Marteau sans maître dans les années trente, après la publication des premiers recueils, l’écriture de poèmes durant la guerre qui nourriront les recueils d’après 1945, ou la sérénité nouvelle qui transparaît dans les textes de lyrique amoureuse comme la Lettera amorosa, jusqu’à la sorte de petite anthologie personnelle que constitue En trente-trois morceaux et que le poète considère lui-même comme un « retour » de la poésie.
Tout d’abord, Le Marteau sans maître (1934) permet d’aborder une étape importante de l’œuvre car, ainsi que l’écrit Dominique Fourcade pour les Cahiers de l’Herne, « ce livre commotionnant marque une date dans l’histoire de l’expression (car histoire de la poésie il y a) ». Le Visage nuptial (1938) témoigne d’une période de rencontres importantes dans les parages du groupe surréaliste. Ce texte donnera lieu à une collaboration avec Greta Knutson, puis avec Giacometti, comme la Lettera amorosa (1953) conviera les lithographies de Braque en 1963. -
Par ailleurs, le texte charien peut se faire « allié substantiel » de la musique, selon la célèbre formule de Recherche de la base et du sommet : alors que Le Marteau sans maître et le Visage nuptial ont suscité deux compositions de Pierre Boulez sous la forme, pour le premier, d’un hommage au mélodrame Le Pierrot lunaire de Schönberg et pour le second, d’une cantate pour soprano, alto et chœur de femmes, Lettera amorosa s’inspire, elle, du ballet pastoral Tirsi e Clori de Claudio Monteverdi. Seuls demeurent (1938-1944) et Le Poème pulvérisé (1945-1947), entre effet d’immédiateté que produit partiellement les allusions autobiographiques et retour réflexif qui réaffirme la nécessité de la poésie en temps de guerre, seront repris dans le recueil Fureur et Mystère en 1948.
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Enfin, Commune présence (1964), recueil augmenté d’une préface de Georges Blin (1937 l), revêt l’apparence d’une anthologie personnelle organisée, non selon la chronologie, mais selon les échos et les ressemblances thématiques entre les textes. Ainsi, comme le dit élégamment Georges Blin : « [l]e poète est maître de rapprocher ses routes sur le damier du temps. Ou de se suivre sur de plus longs silences » (page VII de l'édition Gallimard de 1978). En trente-trois morceaux (1956) présente plutôt ce qui reste du livre quand il éclate en tombant sur le sol : anecdote célèbre dans laquelle l’auteur voulut voir l’expression de la rencontre entre le hasard et la nécessité.
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Ce geste anthologique préfigure l’aventure de la confection du volume des œuvres complètes dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade au début des années quatre-vingt : Char, inquiet de ne pas voir de son vivant l’achèvement du projet, passa outre les demandes de délais de ses interlocuteurs et donna ses directives à Lucie et Frank André Jamme, à Tina Jolas, à Anne Reinbold pour s’assurer d’une publication en 1983. Le poète n’hésita pas à organiser l’ensemble, mais également à réécrire certains textes, selon l’exemple d’autres aînés illustres soucieux de maîtriser de bout en bout, si l’on peut dire, l’érection de ce monument à leur gloire. Et il tint rigueur à ceux de ses proches, qu’ils soient écrivains, critiques ou universitaires, qui ne purent répondre à sa demande pressante d’édition complète. Il faut comprendre que René Char, relativement affaibli par divers ennuis de santé, hanté par le souvenir de la fragilité de sa sœur adorée, Julia, a souhaité, en suivant l’élaboration de l’ensemble du volume et la parution de celui-ci, s’assurer de la postérité et de la pérennité de son œuvre – contrepoint du vide auquel je crois (Le Rempart de brindilles).
Exposition réalisée par Marie Frisson, A. T. E. R. en littérature française (ENS / Sorbonne Nouvelle)
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Liste des documents présentés
Livres
- Le Marteau sans maître, Paris, Editions Surréalistes (Imprimerie de l’Union), 1934. L F p 444 12°
- Le Visage nuptial, s. éd., 1938. Exemplaire portant correction autographe de l’auteur. L F p 620 J 8⁰
- Seuls demeurent, Paris, Gallimard, 1945. Avec dédicace de l’auteur à la Bibliothèque de l’École. L F p 105 4°
- Commune présence, G. Blin (préf.), Paris, Gallimard, 1964. Avec dédicace de l’auteur à la Bibliothèque de l’École. L F p 615 8°
- Le Poème pulvérisé, H. Matisse (gravure), Paris, Fontaine, 1947. Avec dédicace de l’auteur à Paul Veyne. L F p 105 D 4°
- Seuls demeurent, Paris, Gallimard, 1945. Avec dédicace de l’auteur à Paul Veyne. L F p 105 C 4⁰
- Lettera amorosa, Paris, Gallimard, 1953. L F p 444 L 12°
- En trente-trois morceaux, Paris, G. L. M., 1964. B 168 CB (409) 4°
Autres documents
- Page de sommaire du numéro d’automne 1956 présentant des textes de : Char, du Bouchet, Dupin. Cahiers G. L. M., Paris, G. L. M., automne 1956. B 168 CB (389) 4°
- Reproduction d'un tableau de Denise Esteban, Paysage du Lubéron, huile sur toile, 38 x 46 cm, 1985 (Ancienne collection de Bernard et Corinne Simon).
- Fac-similé de l’affiche-trac rédigée par René Char (Aux riverains de la Sorgue, 1959, collection Jacques Polge) et reproduite dans : Dominique Fourcade, Vous m’avez fait chercher, Paris, éditions P. O. L., 2021 (Voir Table, p. 247).
- Fac-similé du recto d’une lettre autographe du 26 mars 1957, René Char à Florence Delay.
- Fac-similé d’une lettre autographe du 16 mars 1961, René Char à Florence Delay.
- Fac-similé d’une lettre autographe du 15 janvier 1974, René Char à Gisèle Celan.
- Fac-similé d’une lettre autographe du 14 février 1973, René Char à Bertrand Marchal.
- Fac-similé d’une lettre autographe du 15 novembre 1976, René Char à Bertrand Marchal.
- Fac-similé du recto d’une lettre autographe du 26 octobre 1980, René Char à Danièle Leclair.
- Fac-similé d’une carte postale autographe du 25 août 1981, René Char à Danièle Leclair.
Photographies
- Paul Celan, Bucarest, 1946 ou 1947, photographe inconnu, droits réservés. Provenance : Bertrand Badiou pour l’Unité de recherche Paul Celan / ENS - UMR CNRS (Item).
- René Char chez Georges Braque à Varengeville, c. 1950, photographe inconnu, droits réservés. Provenance : Marie-Claude Char.
- René Char et Dominique Fourcade, 1959, photographe inconnu, droits réservés. Provenance : Florence Delay.
- René Char, Jean-Claude Mathieu, Anne Reinbold et le couple Berthelot en bord de Sorgue, 1975, copyright Lüfti Özkök. Provenance : Jean-Claude Mathieu.
- René Char et Claude Esteban à Lacoste, 1974, photographie attribuée à Denise Esteban, droits réservés. Provenance : Bernard et Corinne Simon pour les Archives Denise Esteban.
- René Char aux Busclats, 1974, Bertrand Marchal, droits réservés,
- René Char et Monique Marchal, 1976, Bertrand Marchal, droits réservés,
- René Char et Bertrand Marchal, 1976, Monique Marchal, droits réservés,
- René Char lisant une thèse de troisième cycle, 1983, Bertrand Marchal, droits réservés. Provenance : Bertrand Marchal.
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Remerciements
Cette présentation, soutenue par Emmanuelle Gondrand-Sordet, par Sandrine Iraci et par Lucie Fléjou, a été rendue possible grâce aux dons, prêts et envois de reproductions de photographies ou de lettres par les écrivains et les chercheurs que nous évoquons dans cette ébauche de parcours.
Nous savons gré à Paul Veyne de son témoignage et de son soutien, ainsi qu’à Roger Boulez pour son aide dans notre enquête. Nous remercions Marie-Claude Char de son adhésion à notre projet et de sa participation.
Nous exprimons ici notre reconnaissance à Bertrand Badiou, Florence Delay, Christine Dupouy, Dominique Fourcade, Danièle Leclair, Bertrand Marchal, Éric Marty, Jean-Claude Mathieu, Corinne Simon pour leur aide généreuse et leurs conseils dans les différentes étapes de la préparation de cette exposition. Que Danièle Leclair soit également saluée pour son attentive relecture.
Enfin, nous remercions Nathalie Queyroux et Sophie Pailloux-Riggi de leur concours à la numérisation d’une partie des documents originaux.______________
Légende des images publiées en ligne :
- René Char aux Busclats, 1974 (détail) © Bertrand Marchal, droits réservés
- Image du Cours de la Vieille ville (actuellement Cours Victor Hugo), carte postale de L'Isle-la-Sorgue, timbre à 10 centimes en vigueur l'année de naissance de René Char
- Aperçus des dédicaces de René Char à Paul Veyne et à la Bibliothèque des Lettres présentées dans l'exposition.