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Ulm-LSH / Jourdan-SHS
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À l’heure où notre pays accueille la Coupe du monde de rugby, nous vous invitons à découvrir une exposition consacrée à la place du ballon ovale dans la mémoire de l’École.
Des affinités électives existent de très longue date entre ce sport et la rue d’Ulm, à telle enseigne que le rugby peut s’enorgueillir du titre envié de plus ancienne des équipes ulmiennes de sport collectif ! -
De Jean Giraudoux, écrivain sportif créateur en 1913 de l’équipe de « football-rugby » réunissant, entre autres, Alain-Fournier (qui le qualifiait de « trois-quarts inégal mais parfait écrivain ») et Gaston Gallimard, sous le patronage de Charles Péguy, à Michel Serres, philosophe sportif et citoyen d’honneur de la planète ovale, en passant par Jean Prévost, Raymond Boisset, Samuel Beckett, Pierre Broche, Albert Fert, Étienne Guyon (qui cosigna un beau texte sur le rugby à l’École dans l’Archicube en 2009 avec l’ancien capitaine de l’équipe Philippe Roux), Pierre-Louis Lions et tant d’autres, la communauté normalienne a porté haut les couleurs et les valeurs de l’ovalie. Elle l’a fait sur les terrains, dans la République des Lettres, en de doctes cénacles et colloques, parfois dans les laboratoires de recherche.
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Elle l’a même fait au plus haut niveau de l’État. Georges Pompidou avait découvert le rugby lors de sa scolarité à Albi. Il le pratiqua avec ardeur pendant ses études et s’y intéressa tout au long de sa carrière publique. A la veille de l’élection présidentielle de 1969, alors que le XV de France accusait dix défaites de rang après son Grand Chelem de l’année précédente, le candidat Pompidou, interpellé sur cette cuisante série noire, répondit : « Rappelez Spanghero ! » Un normalien sachant écrire et gouverner mais aussi sélectionner ?
Un quart de siècle plus tard, l’École accueillit en grande pompe (cramponnée) le ballon ovale dans ses murs à l’initiative de son directeur Étienne Guyon.
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Le mythique entraîneur Daniel Herrero y enseigna, faisant profiter élèves et enseignants de son incomparable connaissance du jeu et de sa verve. D’aucuns se souviennent qu’en 1992, une fastueuse « nuit du rugby » fit vibrer la rue d’Ulm, avec pas moins de huit heures de films salle Dussane et une conférence mémorable animée par le maestro Herrero.
En 2007 se tint une nouvelle journée à l’Ecole consacrée au rugby. Avec des conférences de Christian Baudelot et Alain Berthoz, qui prouvèrent que la sociologie et la neurophysiologie avaient toute leur place dans la mêlée rugbystique.
Au-delà de ces noces sportives ponctuelles, on pourrait dire que le jeu de rugby est à l’image de l’ENS - et réciproquement.
En premier lieu, l’esprit d’ouverture. L’équipe de l’École a toujours été un lieu de brassage entre les profils et les disciplines, un bouillon de culture mêlant littéraires et scientifiques avec une science consommée des complémentarités et des enrichissements mutuels. Les rencontres sportives de l’ENS : un ballet des intelligences, un creuset d’amitiés intenses et impérissables !
Ouverture géographique ensuite. Si les voyages forment la jeunesse, ceux que le ballon ovale a fait accomplir à ses juvéniles adeptes restent gravés dans les mémoires. Le rugby a toujours incarné une certaine idée de l'ouverture internationale de l’École au travers des matches que son équipe a livrés d’âge en âge contre des universités étrangères, au premier rang desquelles King's College à Cambridge, parfois derrière le Rideau de fer avec des matchs en URSS. De même a-t-elle intégré en son sein des élèves étrangers qui étudiaient à l’ENS – au premier chef des ressortissants de la Rose, du Trèfle ou du Chardon.
En outre, les tours et détours de cet étrange ballon aux rebonds inattendus invitent à explorer le monde de l’incertitude et de la complexité, un monde où l’Ecole est en terrain familier. Le rugby honore la diversité, la camaraderie, l’esprit d’équipe, l’engagement généreux et solidaire, le combat vif mais loyal, l’habileté du corps et de l’esprit, la transmission et l’entraide ... sans oublier, bien entendu, le sens de la fête et la sacro-sainte troisième mi-temps !
L’École se reconnaît pleinement dans ces valeurs et ces dispositions d’âme.
De même goûte-t-elle la subtilité, la facétie, le côté paradoxal de certaines règles de l’ovalie, comme celle qui oblige à faire des passes en arrière pour faire avancer l’équipe et céder du terrain pour en gagner et pour s’imposer.
On aurait, aussi, tout loisir d’établir des analogies ou des correspondances stimulantes entre le fameux « French Flair » et « l’esprit normalien ». L’ingéniosité, l’inspiration, le savoir-faire théorique conjugué à l’art de la mise en pratique et à la science des situations, le rôle de l’intuition et de l’improvisation à côté de l’intelligence conceptuelle, le sens du jeu et le pur esprit créatif : autant de caractéristiques et de talents qui rapprochent ces deux univers, lesquels, chacun à sa façon, font rimer originalité, liberté et fraternité.Les enjeux du sport ont acquis une importance déterminante à notre époque. La place du sport dans le monde universitaire et dans la société représente plus que jamais une cause d’intérêt général.
L’ENS, ancrée dans la société et consciente que le sport peut mobiliser de très nombreux savoirs académiques, entend prendre part à la mêlée en déployant ses multiples ressources, et marquer des essais au service du bien commun.
Elle sait, comme le disait déjà Jean Prévost il y a un siècle au moment des Jeux olympiques de 1924 - qui furent les derniers à admettre le rugby dans leur programme jusqu’à ceux de Rio en 2016 – elle sait que le sport, école de vie et ferment majeur de bien-être et de développement équilibré de la personne, a lui aussi ses humanités. En particulier au royaume du ballon ovale, terre de rencontres, d’exploits et d’émotions partagées.
Longue vie à l’ovalie normalienne, petit paradis de la camaraderie, du corps habile et du bon esprit !
Texte rédigé par David Brunat (1992 l)
Exposition virtuelle réalisée par Sandrine Iraci -