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Dans le cadre du séminaire "Actualité de la recherche phénoménologique"
Organisé par Julien Farges, Laurent Perreau et Dominique PradelleSéance en HYBRIDE du vendredi 27 mai 2022, de 18h à 19h30, au 45 rue d'Ulm, Salle Cavaillès, et en visioconférence.
Michel BITBOL – "Une critique épistémologique du matérialisme spéculatif" (Autour de son ouvrage Maintenant la finitude. Peut-on penser l'absolu ?, Paris, Flammarion, 2019)
Le « matérialisme spéculatif » de Quentin Meillassoux, variété française du réalisme spéculatif, est perçu comme l’une des rares nouveautés philosophiques de ce début du vingt-et-unième siècle. Il l’est par son ardeur iconoclaste, par le défi qu’il jette à trois cents ans d’histoire kantienne puis phénoménologique de la philosophie, et par l’audace avec laquelle il déclare avoir accompli une percée métaphysique vers l’Absolu. Mais sa provocation est mal fondée, comme j’ai essayé de le montrer dans mon livre Maintenant la finitude. Chacun de ses arguments est discutable. Son argument-maître, consistant à prendre son adversaire « corrélationniste » en flagrant délit de contradiction performative, se retourne aisément contre lui. Sa tentative de relire la « révolution copernicienne » de Kant comme une « réaction ptoléméenne » en théorie de la connaissance, trahit profondément son sens. L’accusation qu’il lance contre les corrélationnismes, de laisser libre cours à un discours irrationnel sur l’Absolu en refusant d’en faire le thème d’une pensée rationnelle, manque sa cible ; car une pensée de l’Absolu, comme horizon ou précondition plutôt que comme objet, est bien présente dans les traditions philosophiques dénoncées comme « corrélationnistes ». Mais surtout, et c’est sur ce point que j’insisterai, sa défense de la prétention qu’a le discours scientifique de dire le vrai sur un monde préexistant, est faussée par une confusion entre la parole exotérique et les pratiques effectives des chercheurs. Les pratiques nouvelles, comme celles de la physique quantique, constituent la meilleure démonstration possible de la pertinence d’une grille de lecture « corrélationniste » dans les sciences de la nature. Elles offrent en particulier une réfutation frappante de l’« argument de l’ancestralité », si crucial pour le matérialisme spéculatif.
La séance aura lieu en présence ; elle est ouverte à tous.
M. BITBOL Maintenant la finitude. Peut-on penser l'absolu ? Paris, Flammarion, 2019 (520 p.) ISBN : 9782081452091