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Ulm-LSH / Jourdan-SHS
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Hommage à Maurice Genevoix (1912 l) et à Ceux de 14
À l'occasion des commémorations du 11 Novembre 2019, la bibliothèque Ulm-LSH rend hommage à Maurice Genevoix (1912 l) et à Ceux de 14 : le dossier d'instruction militaire de l'écrivain ainsi que des exemplaires dédicacés de ses récits de guerre, écrits et publiés avec le soutien de Paul Dupuy, le secrétaire général de l'École normale, rappellent l'histoire d'une génération sacrifiée au combat.
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Maurice Genevoix et l’École normale
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Maurice Genevoix naît le 29 novembre 1890 à Decize, dans la Nièvre. Il passe son enfance à Châteauneuf-sur-Loire avant d’entrer comme interne au lycée Pothier à Orléans, puis en khâgne à Lakanal. En 1911, il réussit le concours d’entrée de l’École normale. En vertu de la loi du 21 mars 1905, en tant qu’élève d’une grande école, il doit effectuer deux années de service militaire, la première dans un corps de troupe et la deuxième en qualité de sous-lieutenant. Il choisit d’effectuer sa première année avant son entrée à l’École, au 144e régiment d’infanterie à Bordeaux, où il se lie avec un normalien scientifique de sa promotion, Jean Casamajor. En 1912, il intègre l’École, où il étudie la littérature moderne et consacre en 1914 un mémoire au Réalisme dans les romans de Maupassant. Mais surtout, le jeune Genevoix y fait deux rencontres déterminantes : le « couple inséparable » formé par Lucien Herr, le bibliothécaire, et Paul Dupuy, le secrétaire général.
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Paul Dupuy
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Paul Dupuy, agrégé d’histoire et de géographie, avait été nommé maître-surveillant à l’École par Fustel de Coulanges en 1881. « Surveillant général », puis « secrétaire général » à partir de 1904, il habite à l’École avec sa famille et ne quittera la rue d’Ulm qu’à l’heure de la retraite, en 1925. Dreyfusard ardent, il contribue en 1904 à la réforme de l’École, dont il avait déjà considérablement assoupli la discipline. Comme il le relatera plus tard, « c’était sur moi que retombait la charge d’entretenir la vie collective […] : je la connaissais, j’y participais, je l’aimais depuis bientôt trente ans, convaincu qu’il n’y a pas de réunion de jeunes gens vraiment vivante sans un minimum de désordre, que l’on doit considérer comme un bienfait et auquel il faut consentir avec de la bonne humeur. » S’attirant la sympathie des élèves, il est le confident et le guide de plusieurs générations de normaliens ; selon les mots de Joseph Bédier, « c’est le caïman Dupuy qui était l’âme de la rue d’Ulm ».
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Je tiens à grand honneur d’avoir été, pendant plus de trente ans, l’ami de Paul Dupuy. Dès mon arrivée rue d’Ulm, j’avais eu l’intuition très vive d’une correspondance naturelle, d’affinités de goûts, de préférences, dont la différence d’âge ne compromettrait pas l’harmonie […] j’admirais son ouverture d’esprit, sa culture, la façon libre qu’il avait d’aller au-devant : les êtres, les livres, une estampe d’Hokusai, un beau meuble, une scène de la rue, tout en lui concordait avec une façon de vivre dont j’eusse souhaité qu’elle fût un jour la mienne. La guerre scella notre amitié. Depuis les premiers jours, Dupuy avait tissé entre nous tous, dispersés que nous étions « de la mer du Nord aux Vosges », un réseau d’informations aussi serré qu’il fût possible. Grâce à lui et à lui seul, les barrières des secteurs postaux tombaient, nous savions les morts, les blessures, nous nous émouvions avec lui, nous nous révoltions avec lui.
Maurice Genevoix, Trente mille jours, 1980, p. 179-180.
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L’École et la guerre
Pendant la guerre, l’École est vidée de ses élèves. Un hôpital militaire, l’« hôpital 103 », est installé dans les locaux de la rue d’Ulm. Seuls demeurent sur place, selon les mots de Paul Dupuy, « les trois vieux, Herr, Lavisse et moi-même ». Pendant cette période, le « centre de survivance de la vie intime de l’École » est le salon du directeur où Dupuy a installé ses quartiers : l’ancienne table des dîners de réception est désormais couverte de cartes géographiques des zones de combat et de l’abondante correspondance quotidienne que le secrétaire général entretient avec les élèves partis au front. Annonces de décès et condoléances s’ajoutent rapidement aux lettres de soldats : dès le mois d’août 1914, Casamajor tombe au combat. Il est le premier d’une terrible série. Sur 240 élèves de l’École mobilisés, 120 sont tués à la guerre, 97 sont blessés. L’hécatombe est massive dans la section des lettres, dont les élèves sont officiers ou sous-officiers dans l’infanterie. Parmi les quatre camarades de turne de Genevoix, trois, Pierre Javal, Pierre Hermant et Jean Bouvyer meurent au combat, le dernier, Lucien Gainsette, est gravement mutilé.
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Ceux de 14
À la déclaration de guerre, Maurice Genevoix est mobilisé comme officier dans l’infanterie à Châlons-sur-Marne ; il participe à la retraite de la Marne puis à la poursuite de l’armée allemande à Verdun jusqu’au hameau des Éparges. Au front, pendant les premières semaines de guerre, Genevoix prend des notes sur des carnets. En plus de ses lettres quasi-quotidiennes, il envoie des pages de son récit à Paul Dupuy, qui pressent le talent d’écrivain du jeune homme. Le 25 avril 1915, Genevoix est grièvement blessé à la tranchée de Calonne puis emmené à l’hôpital de Verdun. Pendant toute l’année 1915, Dupuy le presse sans relâche d’écrire son récit du front. Puis, fin 1915, lorsque Genevoix, réformé, revient à Paris, il le fait installer dans une chambre de l’École pour qu’il achève sa convalescence et l’accompagne chez Hachette où l’administrateur, Guillaume Bréton (1877 l), lui propose un contrat – Dupuy avait auparavant remis à Bréton, son vieux condisciple, les lettres écrites du front par Genevoix.
Genevoix publie presque coup sur coup cinq livres : Sous Verdun (1916), Nuits de guerre (1917), Au seuil des guitounes (1918), La Boue (1921), Les Éparges (1923). Dans ces livres de témoignage, nouveau genre littéraire, l’auteur cherche à restituer avec authenticité, tout en tâchant « de lui donner chaleur et vie », une expérience qui paraît indicible. Mû par un sentiment de fidélité à l’égard de ses compagnons de souffrance, Genevoix veut que leur sacrifice ne soit pas voué à l’oubli. Tous les personnages de son récit correspondent à des individus réels. Leurs mots, dont l’écrivain restitue au plus près les expressions et les accents, sont inspirés de ceux de ses hommes, de leurs lettres et de leurs souvenirs. Il dédie ses ouvrages à ses frères d’armes et à ses proches morts au combat, en particulier Robert Porchon, son ami saint-cyrien tombé aux Éparges, et ses camarades de promotion, les normaliens Jean Bouvyer, Jean Casamajor, Pierre Hermand, Léon Rigal. En 1949, il réunit dans une nouvelle édition ses récits de guerre sous le titre Ceux de 14 dédié « À mes camarades du 106. En fidélité. À la mémoire des morts et au passé des survivants ».
En janvier 1919, Genevoix retourne chez son père, au bord de la Loire et décide de se consacrer à l’écriture. Il garde des relations constantes avec Paul Dupuy jusqu’à la mort de celui-ci en 1948.
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Liste des documents présentés
- Dossier d’instruction militaire de Maurice Genevoix au 144e régiment d’infanterie, 1911-1912. Bibliothèque Ulm-LSH ;
- Paul Dupuy, photographie, sans date. Bibliothèque Ulm-LSH, PHO/C/1/DUPUY ;
- Maurice Genevoix, Nuits de guerre (Hauts de Meuse), Paris, Flammarion, 1917. Bibliothèque Ulm-LSH, H M gé 120 12° ; exemplaire portant un envoi manuscrit de l'auteur ;
- Maurice Genevoix, Au seuil des guitounes, Paris, Flammarion, 1918. Bibliothèque Ulm-LSH, H M gé 120 A 12° ; exemplaire portant un envoi manuscrit de l'auteur ;
- Maurice Genevoix, La Boue, Paris, Flammarion, 1921. Bibliothèque Ulm-LSH, H M gé 120 B 12° ; exemplaire portant un envoi manuscrit de l'auteur.
Bibliographie
En lien avec cette présentation, la bibliothèque vous propose une bibliographie consacrée à Maurice Genevoix et à l'écriture de la Grande Guerre, préparée par Marie Frisson (A. T. E. R. à l'ENS)