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Ulm-LSH / Jourdan-SHS
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La bibliothèque de Célestin Bouglé (1870-1940)
Célestin Bouglé (1870-1940), sociologue et fondateur du Centre de documentation sociale, dirigea l’École normale supérieure de 1935 à 1940. L’étude de sa bibliothèque personnelle, donnée à l’École en 1940, met en lumière une personnalité remarquable : sociologue durkheimien, universitaire spécialiste du saint-simonisme, Célestin Bouglé fut aussi l’homme de multiples activités et réseaux intellectuels, civiques et politiques ; socialiste, pacifiste, internationaliste, sa bibliothèque reflète ses engagements de même que l’attachement profond que lui portaient ses élèves et disciples.
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Éléments de biographie
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Célestin Bouglé, fils d’officier breton, entre à l’École normale en 1890. Reçu premier à l’agrégation de philosophie en 1893, il se lie à partir de 1895 avec Durkheim et fait partie du premier cercle des promoteurs de la sociologie, nouvelle discipline en cours d’institutionnalisation. Nommé à l’université de Toulouse en 1901, il rejoint la Sorbonne en 1908, sur la chaire d’histoire d’économie sociale. Après la guerre, il obtient la chaire de Durkheim à la Sorbonne, dont il poursuit l’œuvre par ses travaux et publications.
Directeur des Annales Sociologiques, Célestin Bouglé publie de nombreux ouvrages de sociologie générale, tout en menant des recherches diverses : d'abord sur le système des castes en Inde, puis sur l'histoire des théories socialistes au XIXe siècle
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Cependant, en tant que sociologue, son œuvre majeure est sans doute la création du Centre de documentation sociale, ouvert en 1920 : en 1919, le mécène Albert Kahn propose de financer une « sorte de laboratoire organisé pour l’étude méthodique des faits sociaux contemporains », dont Bouglé obtient le rattachement à sa chaire et l’installation dans les locaux de l’École normale. Le rôle du Centre, animé par des étudiants, élèves de Bouglé, est de glaner le maximum de renseignements sur les problèmes sociaux contemporains. Ses activités sont multiples : conférences, séminaires, publications, financement de bourses de recherche à l'étranger, qui forment la jeune génération à de nouvelles approches théoriques, et constitution d’une bibliothèque riche de plus de 6000 ouvrages. La mort de Bouglé en 1940 entraîne la disparition du Centre : son successeur à la tête de l'ENS, Jérôme Carcopino fait don de la bibliothèque à la BDIC, aujourd'hui la Contemporaine (Nanterre), où les livres du Centre de documentation sociale sont actuellement réunis sous la cote B. Parmi les documents rassemblés pour le Centre, seuls sont restés jusqu'à nos jours à l'ENS deux fonds d'archives, conservés parmi les collections de la bibliothèque Ulm-LSH : les archives de Victor Considerant et celles de l'économiste Charles Gide.
Membre fondateur de la Société des amis de l'École en 1919, directeur-adjoint de l’École à partir de 1927, Célestin Bouglé en devient directeur en 1935. Sa direction est notamment marquée par de très importants travaux d’agrandissement et de modernisation. Mais surtout, généreux et attentif au bien-être et au devenir des élèves, dont il encourage les voyages à l'étranger, il laisse le souvenir d’un patron dévoué et libéral ; Jean Stoetzel, dont il encadra les premières recherches, le qualifiera ainsi de « grand-père de ses élèves », qu'il accompagne dans leurs activités et loisirs, qu'il s'agisse de leurs exploits sportifs (natation, ski) ou de conférences de recherche internationales. En novembre 1929, le mariage de sa fille Madeleine à Saint-Jacques-du-Haut-Pas est suivi de festivités rue d'Ulm auquelles participent les élèves.
Son ami François-Poncet résume ainsi le personnage : « notre ami Bouglé qui, en un clin d'oeil, sillonne les mers, laboure les terres, féconde quelques cerveaux américains, repart, fend l'océan et, semblable à Philéas Fogg, arrive juste à point pour dîner avec nous ! » De fait, au-delà de son parcours académique, Célestin Bouglé est avant tout l’homme de multiples activités et réseaux, notamment politiques et associatifs. Dreyfusard, il s’engage auprès de la Ligue des droits de l’homme, dont il devient vice-président en 1911. Membre éminent du parti radical-socialiste, ami d’Édouard Herriot, il se présente, sans succès, aux élections législatives en 1901, 1906 et 1924. Puis, proche des cercles de pensée solidaristes et du mouvement coopératif théorisé par Charles Gide, il soutient dans l’Entre-deux-guerres le projet de la Société des Nations.
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La bibliothèque personnelle de Célestin Bouglé à l'ENS
La bibliothèque d’Ulm-Lettres et sciences humaines conserve la bibliothèque personnelle de Célestin Bouglé, vraisemblablement reçue après sa mort en 1940. Cette bibliothèque, riche de plus de 2 500 volumes, cotés S G ép 2001 12° à S G ép 3026 12° et S G ép 4500 8° à S G ép 5930 8°, permet de suivre le parcours intellectuel et les réseaux de Bouglé ; si certains ouvrages scolaires remontent à ses études, d’autres nourrirent ses travaux de recherche : classiques de la sociologie française et allemande, travaux sur l’Inde et l’histoire des religions. Un considérable ensemble concerne l’histoire des premières doctrines socialistes : œuvres de Saint-Simon, Fourier, Proudhon, Victor Considerant.
Quelques documents portent les ex-libris de ses maîtres et amis : Durkheim, Espinas, Paul Dupuy. À partir du début du XXe siècle, puis surtout dans l’Entre-deux-guerres, la bibliothèque reflète les réseaux de pensée et d’amitié de Bouglé, à travers les très nombreux envois manuscrits que recèlent les livres : travaux de proches et de collègues, souvent mobilisés dans l’aventure du Centre de documentation sociale (Charles Gide, Henri Bergson, Élie Halévy), publications de la jeune génération d’intellectuels qu’il forme à l’École normale et au Centre de documentation sociale (Marcel Déat, Raymond Aron, Pierre Uri). D’autres documents témoignent des multiples engagements de Bouglé : travaux de syndicalistes et de réformateurs sociaux (Léon Jouhaux, Marceau Pivert), de membres de la Ligue des droits de l’homme, et surtout, d’institutions liées à la Société des Nations, dont Bouglé, comme ses amis Albert Thomas et Paul Dupuy, soutient les activités.
Enfin, son envergure et sa stature intellectuelle, de même que ses activités de directeur de revue (Annales sociologiques) et de journaliste, entraînent l’envoi de livres dont les auteurs espèrent un compte-rendu. Grand voyageur et promoteur de la sociologie dans le monde entier, Bouglé reçoit ainsi des hommages reconnaissants de nombreux auteurs étrangers, notamment latino-américains.
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Références bibliographiques
- Bulletin de la Société des amis de l'Ecole normale supérieure, 1919-1940. Bibliothèque Ulm-LSH, S G ip 788 8°
- Jean Bruhat, Émile Borel, André François-Poncet, Edmond Delage et al., Bouglé 1870-1940 : Hommage à M. C. Bouglé, directeur de l'Ecole Normale Supérieure, [S. l.], [s. n.], [1940]. Bibliothèque Ulm-LSH, S G ép 617 A 8°
- Jean-Christophe Marcel, Le durkheimisme dans l'entre-deux-guerres, Paris, Presses universitaires de France, 2001. Bibliothèque Ulm-LSH, S G ép 4234 CC 8⁰ ;
- Jean-Christophe Marcel, La sociologie française et l'oecuménisme de l'entre deux guerres : le cas du Centre de documentation sociale, mémoire de DEA, Nanterre, Université Paris X-Nanterre, 1991. Bibliothèque Ulm-LSH, S G ép 181 F 4°.
Présentation réalisée en février 2019 par Lucie Fléjou