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Le De historia stirpium de Fuchs
Leonhart Fuchs
De historia stirpium commentarii insignes, maximis impensis et vigiliis elaborati, adjectis earundem vivis plusquam quingentis imaginibus, nunquam antea ad naturae imitationem artificiosus effictis & expressis, Basileae : in officina Isingriniana, M. D. XLII. Édition originale latine.
Contient 511 illustrations gravées sur bois par Veyt Rudolff Speckle, d'après les dessins d'Albrecht Meyer reportés sur bois par Heinrich Füllmaurer ; un portrait de Fuchs à l'âge de 41 ans [voir l'illustration ci-dessous] ; un portrait des illustrateurs (fol. fff 5), manquant dans notre exemplaire. [voir l'illustration sur e-rara] -
Ci contre, planche p. 451 :
Cyclamen purpurascens Mill. 1768 (nom actuel)
Légende : « Cyclaminus » (latin), « Schweinbrot » (allemand)
Une note manuscrite donne le nom vernaculaire français « pain de pourceau ».
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La description p. 450 « De cyclamino cap. CLXX » suit les rubriques :
- nomina : nom grec, noms latins, noms allemands ;
- forma : forme des feuilles, tige, fleurs, racine ;
- locus : habitat ;
- tempus : saison de floraison ;
- temperamentum : tempérament (suivant la médecine galénique une plante peut être chaude, froide, sèche, humide, cette théorie est associée à la théorie des humeurs) ;
- vires : propriétés médicinales d'après les autorités (le plus souvent il s'agit comme ici de Dioscoride, Galien et Pline).
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Pour certaines plantes, il y a aussi une rubrique genera, décrivant les espèces ou les variétés, et un appendice où Fuchs donne d'autres propriétés.
Un usage inédit de l'illustration
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Leonhart Fuchs est l'un des « pères fondateurs de la botanique et du livre de botanique illustré » issus du milieu réformé allemand, comme Otto Brunfels ou Hieronymus Bock (Madeleine Pinault Sørensen, Le livre de botanique, 2008). Né en 1501, il devient médecin, après des études à Erfurt et Ingolstadt. En 1528 il entre au service du margrave de Brandebourg à Ansbach, puis, appelé par le duc de Wurtemberg en 1535, il devient professeur de médecine à l'université de Tübingen. Il meurt à Tübingen en 1566. Lorsqu'il publie le De natura stirpium, en 1542, c'est un professeur renommé, un humaniste, qui a déjà édité certains ouvrages de Galien et publié ses Errata recentiorum medicorum, LX numero : au verso du titre, son portrait le montre comme un bourgeois richement vêtu et tenant une fleur, allusion à la botanique.
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Édités à Bâle chez Michael Isengrin en 1542, les De historia stirpium commentarii insignes sont traduits dès l'année suivante en allemand et compteront 39 éditions et adaptations du vivant de l'auteur : c'est un très grand succès éditorial, dû notamment à la qualité des illustrations. L'édition originale contient en effet 511 gravures pleine page, faites d'après nature, luxe sans équivalent dans les herbiers du XVIe siècle. Signe de la grande importance que Fuchs leur accorde, les trois artistes sont non seulement nommés mais représentés dans une planche emblématique : Albrecht Meyer dessine une fleur posée devant lui, Heinrich Füllmaurer reporte le dessin sur une planche de bois, tandis que le graveur, Veyt Rudolff Speckle, tient un ciseau à la main.
L'herbier de Fuchs décrit plus de 400 plantes européennes et une centaine de plantes étrangères, dont 5 plantes du Nouveau monde figurées pour la première fois (ainsi le maïs : Zea mays, p. 725). Il s'agit pour la plupart de plantes médicinales, mais on voit apparaître quelques espèces ornementales, comme l'œillet d'Inde (Tagetes patula, p. 47).
Dans son ouvrage, Fuchs a conservé l'ordre alphabétique des noms grecs. Comme on le voit pour le Cyclamen purpurascens présenté ci-dessus, les descriptions suivent les rubriques Noms, Forme, Habitat, Saison, Tempérament, Propriétés. Si Fuchs appuie son texte sur les auteurs classiques, suivant Galien plutôt que Dioscoride et Dioscoride plutôt que Pline l'Ancien, il innove en donnant une importance inédite à la relation entre texte et image : chaque plante a sa propre illustration, alors que dans les livres de botanique publiés jusque là une même image pouvait servir à illustrer deux ou trois plantes différentes. Dans sa dédicace au margrave de Brandebourg, Fuchs déplore le peu de connaissances botaniques des médecins contemporains, et dit explicitement la fonction qu'il assigne aux images : elles doivent permettre, mieux que les mots, de reconnaître les plantes. Cet usage des images n'allait pas de soi, certains auteurs, se réclamant de Pline l'Ancien, soutenaient qu'en raison des variations des spécimens les images ne pouvaient avoir aucune valeur didactique, et Fuchs eut une vive polémique sur ce sujet avec Sebastianus Montuus puis avec Janus Cornarius.
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On remarque cependant que le naturalisme des illustrations ménage quelques conventions : pour montrer chaque plante des racines au sommet, les proportions des arbres et arbustes ne sont pas respectées (voir par exemple le cognassier, « Cotonea malus », aujourd'hui Cydonia oblonga Mill. 1768, p. 404 - ci-contre) ; et suivant un parti pris qui durera jusqu'au XIXe siècle, fleurs et fruits sont représentés sur la même illustration.
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Enfin quelques représentations composites montrent différentes variétés sur le même pied (par exemple le lamier p. 469 regroupe trois espèces : Lamium galeobdolon L., Lamium maculatum L. et Lamium album L., identifiées sur les exemplaires colorés). [Voir le lamier dans l'exemplaire personnel de Fuchs conservé à la Stadtbibliothek d'Ulm]
Les figures sont faites au trait, presque sans ombre, afin de faciliter leur mise en couleur. En effet, dès sa parution, l'ouvrage de Fuchs a eu deux états, les illustrations étant soit laissées en noir et blanc, soit aquarellées, la couleur permettant une meilleure identification des espèces.
Ad usum fratris Caroli Plumier... : l'exemplaire S N b 2 F°
Charles Plumier (1646-1704) est l'un des plus grands botanistes de la fin du XVIIe siècle. D'après Georges Cuvier il est « peut-être, de tous les hommes qui se sont occupés d'histoire naturelle, celui qui a été le plus actif. Ses manuscrits sont immenses : indépendamment de ceux qui ont été publiés, il en reste encore au Jardin des plantes des quantités considérables sur des recherches de tous genres » (Histoire des sciences naturelles, 1843). Entré chez les Minimes à seize ans, Plumier est envoyé à Rome où il se lie au botaniste Boccone. Revenu en France, il herborise en Provence et en Languedoc. En 1689, il accompagne Michel Bégon, intendant des galères à Marseille, pour un voyage d'exploration en Amérique. Le roi le renverra à nouveau en mission aux Antilles et en Amérique en 1693 et 1695. Il meurt le 16 novembre 1704 alors qu'il se préparait à un quatrième voyage.
De ses voyages Plumier a ramené 25 volumes de notes et de dessins et un herbier de plus de mille plantes (aujourd'hui en partie au Muséum). Il publie une partie de ses recherches dans Description des plantes de l'Amérique (1693), Nova plantarum Americanarum genera (1703) et Filicetum Americanarum (1703). Ce dernier ouvrage est traduit en 1705 sous le titre d'Histoire des fougères de l'Amérique ; Plumier s'y intéresse au groupement des espèces [exemplaire de Cuvier : S N b 9 F°]. Spécialiste de la flore des Antilles, Plumier a nommé plusieurs espèces en l'honneur de botanistes ou de voyageurs, ainsi le bégonia en l'honneur de Bégon, ou le fuchsia en l'honneur de Leonhart Fuchs ! Si les manuscrits laissés par Plumier sont remarqués de ses contemporains, on ne sait rien de sa bibliothèque : sans doute l'a-t-il léguée au couvent de son ordre, les Minimes de la Place Royale. C'est ce que semblent indiquer les trois volumes conservés à l'ENS (De historia stirpium de Fuchs, Herbarium d'Otto Brunfels de 1536-1539, S N b 1 F° et Naauwkeurige beschryving der aardgewassen d'Abraham Munting de 1696, S N b 7 F°), ainsi qu'une dizaine de titres identifiés d'après le Sudoc au Cnam, à la bibliothèque Mazarine et au Muséum.
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Le volume de Fuchs porte un parchemin au nom des Minimes de la Place Royale, dont le dos a été recouvert de veau brun au XVIIIe siècle. L'exemplaire est incomplet : il manque notamment le portrait des illustrateurs. Les planches sont annotées : le nom français des plantes est reporté (de deux mains différentes), ainsi que leur nom latin (signé G.B.).
On note aussi une mention de prix « 36 libris turonensium » et des dessins à la plume (au portrait et à la fin). L'histoire de ses provenances est particulièrement riche. Les premiers possesseurs, non identifiés, se signalent par un simple nom « Baillet » et par une inscription « Sy par un objep (?) De pitié tu vienne ».
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L'ouvrage passe ensuite en la possession de Plumier, qui appose son ex-libris manuscrit au bas de la page de titre « Ad usum fr. Caroli Plumier minimi Botanici Regii » et enrichit certaines planches de notes manuscrites. À sa mort, les Minimes héritent du volume qui reçoit alors leur ex-libris ms. « Ex bibliotheca Minimorum Parisiensi » et une reliure au nom « Conventus Parisiensis Minimorum ».
À la Révolution, la riche bibliothèque des Minimes, qui comptait environ 20 000 volumes, est confisquée : le naturaliste Georges Cuvier (1769-1832) en acquiert quelques volumes, dont le Fuchs de Plumier (9 volumes identifiés à l'ENS).
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Après la mort de Cuvier, l'État achète sa bibliothèque à sa veuve pour 72 500 francs par la loi du 24 avril 1833 ; les collections sont alors partagées entre différentes institutions, dont le Muséum et l'École normale. Cette dernière devait recevoir essentiellement la partie historique, philosophique et littéraire des collections, ce qui explique que l'ouvrage de Fuchs n'est pas répertorié dans notre inventaire (MS 130) : il a vraisemblablement été échangé comme double par la bibliothèque du Muséum.
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Références bibliographiques
- Sachiko Kusukawa, « Leonhart Fuchs on the importance of pictures », Journal of the history of ideas, Vol. 58, n° 3 (juillet 1997), p. 403-427. Bibliothèque Ulm-LSH, S Phi h 18 4°. Disponible en ligne sur authentification (consulté le 15/12/2020) ;
- Ariane Lepilliet, Le De Historia Stirpium de Leonhart Fuchs : histoire d'un succès éditorial (1542-1560), Master en cultures de l’écrit et de l’image, Enssib, 2012. Disponible en ligne (consulté le 15/12/2020) ;
- Frederick G. Meyer, Emily Emmart Trueblood, John L. Heller, The great herbal of Leonhart Fuchs : notable commentaries on the history of plants, Stanford : Stanford University Press, 1999. Bibliothèque Ulm-LSH, S Phi h 13 TA 4°.
Présentation réalisée par Estelle Boeuf-Belilita - novembre 2013. Rétro-saisie de l'exposition virtuelle : Claire Agier